L’Héraldique : brève histoire et grands principes
Puisque ce sujet est de mon domaine de compétences professionnelles, je tenais par cette page, à vous présenter l’héraldique.
J’espère ainsi vous transmettre un peu de ma passion pour cet art aussi historique que complexe.
Les termes que j’emploierai sont tous explicités dans le lexique du dernier chapitre.
Qu’est-ce que l’héraldique ?
L’héraldique est la codification d’un écrit placé entre guillemets (que l’on nomme blason), se transformant en un dessin ou une figure picturale (nommé écu), en utilisant pour cela le code héraldique. Par extension, ce sont des règles qui se concentrent sur la création et l’utilisation des armoiries, c’est la science du blason. Son objectif est de représenter clairement :
- Des individus ;
- Des familles ;
- Des institutions ;
- Des lieux.
Le terme « héraldique » provient du nom masculin « héraut ». Les hérauts d’armes étaient de véritables professionnels de l’organisation des combats de guerre et des tournois, et avaient également le rôle de diplomates.
Les premières armoiries de l’Histoire
Contrairement à l’opinion populaire, les historiens reconnaissent que l’apparition des armoiries n’est pas due aux croisades. Cet art ne provient pas non plus d’Orient ni de la civilisation « barbare ». Les représentations de l’époque ne montrent d’ailleurs pas de signes héraldiques. La forme pré-héraldique de l’écu en pointe et de ses décors est caractéristique de l’apparence des premiers boucliers.
L’héraldique est née autour de l’an mille, en Occident, de deux évènements simultanés :
- La transformation de la société féodale ;
- L’évolution de l’équipement militaire.
Les armoiries n’apparurent qu’à la deuxième croisade. Elles répondaient à un simple besoin d’identification. En effet, partiellement ou entièrement recouvert d’une cuirasse, le chevalier en armure était souvent méconnaissable !
L’usage d’attributs iconographiques pré-héraldiques fonctionnait ainsi, comme un signe de reconnaissance. Ce concept émergea d’ailleurs de concert avec les noms patronymiques.
En pleine réorganisation, la société aidait les individus à se placer dans l’ensemble du système social. Des groupes se formèrent. Dès la fin du XIIe siècle, les armoiries, originairement affiliées à des emblèmes individuels, devinrent héréditaires. Cette transmission familiale leur donna leur essence définitive.
Les combattants coiffés d’un heaume et méconnaissables dans leurs cuirasses prirent peu à peu des couleurs. Leurs boucliers se parèrent de symboles comme autant de signes de reconnaissance au cœur des batailles.
Les premières armoiries furent donc faites pour être vues de loin. On employait ainsi des teintes franches et contrastées, et des figures fortement stylisées. Aux XIIe et XIIIe siècles, l’écu était représenté seul ou entouré du nom de l’individu dans le champ du sceau.
Parallèlement, l’héraldique fit rapidement son entrée dans les premiers tournois. Le premier d’entre eux fut donné en l’an 1130 par le Sieur de Preuilly.
Ils se faisaient parfois en équipes de plus d’une dizaine de chevaliers. Ces derniers exposaient leurs écus la veille du concours à différents endroits :
- Sur la cotte d’armes qui recouvre la cuirasse ;
- Sur les housses des chevaux ;
- Sur les demeures seigneuriales et bourgeoises.
L’évolution de l’écu à travers les âges
À mesure que les peuples avancèrent en civilisation, l’écu subit l’influence de l’art. Il se modifia et se couvrit d’ornements.
Tout d’abord destiné à préserver le combattant, il lui servit aussi à faire connaître les belles actions dont son détenteur pouvait s’honorer. On représenta ces hauts faits au moyen de la peinture et la sculpture.
Dès leur origine, les armoiries furent également présentes sur les drapeaux et sur les sceaux. Rappelons qu’à l’époque, la plupart des écrits étaient scellés. Tout document ne l’étant pas était considéré comme suspect ! Chaque contractant et chaque témoin s’engageait sous son sceau, symbole de sa personnalité juridique. C’est ainsi que fut étendu l’usage d’armoiries aux femmes.
Une authentique « héraldisation » de la vie matérielle s’opéra tout au long des XIIIe et XIVe siècles. Les armoiries apparurent ainsi sur :
- Les armes ;
- Les demeures ;
- Les meubles ;
- Les objets décoratifs ;
- La monnaie.
Par la suite, les hérauts d’armes s’employèrent à transformer ces pratiques en règles. Ils copièrent ces dernières dans des recueils leur servant d’aide-mémoire : les armoriaux.
Les changements concernèrent aussi la chevalerie. Au XIVe siècle, le volet planté au sommet du heaume s’allongea et se déchira au profit de motifs tailladés rappelant des feuilles d’acanthe. C’est ce que l’on nomme des lambrequins (ou drapé).
À la fin du XVe siècle, en Europe, on recensait plus d’armoiries roturières (dont les corps de métiers constitués) que dans la noblesse.
Il faut attendre le XVe siècle pour que l’art héraldique atteigne sa perfection.
La représentation la plus correcte du blasonnement se précisa au XIVe siècle. L’écu fut placé en dextre et coiffé d’un heaume ou couronne avec cimier.
Au XVIIe siècle, des graveurs anversois mirent au point un système simple de hachures pour coder les sept couleurs héraldiques. Cette période fut synonyme de codification. Les couronnes nobiliaires remplacèrent le heaume en timbre. On oublia aussi les cimiers et on multiplia les supports : marques de dignité, colliers d’ordre et manteau pour les grands personnages.
L’influence des Capétiens sur les blasons
En 1615, Louis XIII fut amené à créer le nouvel office de juge d’armes de France. Ce personnage, comme les hérauts du Moyen-âge, devait réaliser plusieurs tâches :
- Corriger les armoiries contraires aux règles ;
- Juger les différents en matière d’héraldique ;
- Délivrer à ceux qui le demandaient, des confirmations d’armoiries.
Son travail était souvent considérable. En effet, les roturiers, les marchands et les bourgeois, se servaient de sceaux lorsqu’ils passaient des actes. Ces sceaux souvent armoriés étaient réalisés par des graveurs. À travers tout l’ancien régime, on voyait déjà des personnes « prendre des armes » (s’attribuer des armoiries) à volonté !
Ce fut le célèbre Pierre de La Garde D’Hozier qui fut chargé de mettre de l’ordre et de contrôler cette incroyable multiplication de blasons. Il consignera cette œuvre monumentale dans un ouvrage mythique : L’armorial général de France (réalisé sur plusieurs générations).
En 1686, Louis XIV eut besoin d’alimenter le Trésor pour poursuivre ses guerres. Il obligea ainsi toutes les personnes possédant des armoiries à les faire enregistrer moyennant une taxe versée à l’État. Toutes les classes furent concernées : les nobles, les roturiers, ainsi que les communautés laïques ou religieuses.
Mais le Capétien ne s’arrêta pas là. En 1697, il ordonna à quiconque était digne d’avoir un blason d’en porter un. Ce faisant, il fallait bien entendu payer un droit au Trésor royal ! Ce fut à Paris, une fabrication d’armoiries en séries… l’époque des armoiries parlantes.
Le XVIIIe apporta un certain romantisme à l’héraldique. L’écu de formes capricieuses se coucha sur des paysages plus rêveurs. On vit fleurir des plantes, des étangs, des rivières et des soleils couchants avec tenants et usage usurpé au timbre d’une couronne nobiliaire.
L’héraldique de Napoléon à nos jours
La révolution mit temporairement fin à l’usage héraldique. Sur proposition du vicomte de Montmorency à la séance du 19 juin 1790, l’assemblée constituante décréta la suppression des armoiries. Elle remodela en même temps l’entièreté de la société féodale :
- La noblesse ;
- Les titres ;
- Les livrées ;
- Les bannières ;
- Les ordres de chevalerie ;
- Les décorations ;
- Et tous les autres signes de féodalité.
Napoléon rétablit l’héraldique en 1808. Cependant, son usage fut réservé à la noblesse d’empire.
Les complications furent telles que les écus devinrent trop chargés et le blasonnement inapplicable. Là où les armoiries du XIIe siècle ne comportaient en général qu’une ou deux figures, celles du XVIIIe siècle en possédaient parfois quatre, cinq, six ou même plus.
Le saviez-vous ? Les armes d’une famille étaient rarement immuables. Elles ont encore aujourd’hui souvent tendance à se compliquer avec le temps, surtout dans la haute aristocratie.
Dès 1814, Louis XVIII rétablit l’usage du droit héraldique. Chacun, qu’il soit noble ou roturier, personne physique ou morale, fut de nouveau libre d’adopter et d’utiliser les armoiries de son choix. Il put également en faire l’usage privé qu’il lui plaisait.
Ce principe prévaut encore en France de nos jours, ainsi que dans la plupart des pays d’Europe. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que l’intérêt pour le sujet prit un nouvel essor. Le XXe siècle vit ainsi la renaissance de l’héraldique.
En 1937, la Société française d’héraldique et de sigillographie vit le jour. Elle fut suivie par la création de l’Académie internationale d’héraldique en 1949, une autorité scientifique reconnue à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui n’importe qui a le droit de posséder un blason et d’en avoir l’usage. Ce principe existe au même titre que celui de détenir une carte de visite. La seule règle à respecter est la suivante : il est interdit de porter les armes d’autrui.
Et si vous aussi vous faisiez partie de ce pan d’histoire ? En tant que maître joaillier graveur, je suis capable de réaliser des chevalières héraldiques ou symboliques. Parlons-en dès maintenant !
Lexique
Acanthe : ornement imitant la feuille de la plante, employé en gravure comme décors.
Armes : ce sont des emblèmes en couleur, propres à une famille, à une communauté ou plus rarement à un individu. Ils sont soumis dans leur disposition et dans leur forme à des règles spéciales qui sont celles du blason.
Armorial : recueil d’armoiries, sous forme de la définition du blason et/ou de la représentation picturale de l’écu et des armes en général.
Art héraldique : transcription des armoiries dans toutes les formes de l’art (peinture, sculpture, gravure, etc.) et à toutes les branches des arts décoratifs et industriels.
Blason : description technique écrite ou orale des armoiries. Quelles sont tes armes ? De gueule à la croix d’argent ! (= de Savoie).
Burin : outil coupant dont se sert le graveur pour tailler dans la matière. Plus spécifiquement suivant sa section, il est nommé onglette, gouge ou échoppe.
Cabron : manche en bois de section rectangulaire, recouvert de toile d’émeri, dont se sert le joaillier pour effacer et adoucir les rayures de la lime, avant polissage.
Cimier : pièce que l’on met au-dessus du timbre du casque surmontant l’écu.
Échoppe : burin qui a la forme d’une onglette dont les deux faces sont plates et le tranchant coupé par une troisième face plate qui élargit la pointe du burin.
Estampe : pièce métallique issue d’emboutissage direct, appelée également flanc.
Gouge : c’est une échoppe dont la troisième face est arrondie.
Héraldique : terme dérivé du bas latin heraldus, héraut. L’héraldique est la science qui a pour objet l’étude des armoiries. Celles-ci peuvent se définir comme des emblèmes en couleurs, propres à un individu, à une famille ou à une collectivité. L’héraldique passe pour une science méconnue.
Héraut : officier de l’office d’armes au Moyen-âge, dont les fonctions étaient notamment la surveillance de l’usage des armoiries et la composition des nouveaux blasons.
Intaille : gravure sur pierre, sur une agate dite nicollo, lorsque la couche supérieure de la pierre est d’une couleur différente de la couche inférieure. Exemples : dessus bleu et fond noir (nicollo bleu), dessus crème et fond rouge orangé (nicollo rouge), dessus blanc et fond vert (nicollo vert).
Lambrequins : bandes d’étoffes découpées descendant du heaume et encadrant l’écu.
Nobiliaire : registre des familles nobles d’un pays.
Onglette : burin à joues prenant la forme d’une lame plus ou moins épaisse et dont les deux faces sont arrondies.
Quadrilobe : ornement gothique formé de quatre lobes en arcs brisés.
Sigillographie : science auxiliaire de l’histoire qui a pour objet l’étude des sceaux.