Brève histoire de l'héraldique

1/ Siège de Jérusalem par Antiochos V (-162), l'héraldique n'a pas encore fait son apparition.

1/ Siège de Jérusalem par Antiochos V (-162), l'héraldique n'a pas encore fait son apparition.

Les historiens reconnaissent aujourd'hui que l'apparition des armoiries n'est pas due aux croisades, ni à l'orient et ni aux barbares, elles sont dues à la transformation de la société féodale de l'an mille en occident d'une part et de l'évolution de l'équipement militaire d'autre part. La forme pré-héraldique de l'écu en pointe et de ses décors est caractéristique de la forme des premiers boucliers.

2/ Josaphe traçant une croix sur l'écu, histoire du Saint Graal XIVè.

2/ Josaphe traçant une croix sur l'écu, histoire du Saint Graal XIVè.

Les armoiries n'apparurent qu'à la deuxième croisade. En effet, partiellement ou entièrement recouvert d\'une cuirasse, le chevalier était méconnaissable ! L'usage d'attributs iconographiques pré-héraldique en signe de reconnaissance, émerge de concert avec les noms patronymiques. Cela caractérise une société en train de se réorganiser et qui aide les individus à se placer dans des groupes dans l'ensemble du système social. Pour ces raisons, les armoiries qui à l'origine, étaient des emblèmes individuels deviennent héréditaires dés la fin du XIIè siècle, et cette transmission familiale leur donne leur essence définitive.
On imagine aisément ces combattants coiffés d'un heaume rendus méconnaissables dans leurs armures, prenant peu à peu l'habitude de représenter sur leur bouclier des symboles, leur servant de signes de reconnaissance au cœur des batailles, et ensuite dans les premiers tournois (Le premier tournoi ayant été donné en 1130 par le sieur de Preuilly).
Au XIIè et XIIIè l'écu était représenté seul ou entouré dans le champ du sceau du nom de l'individu.

3/Tournoi de Sorelois XVè

3/Tournoi de Sorelois XVè

Les premières armoiries étaient donc faites pour être vues de loin, d'où l'emploi de couleurs franches et contrastées, et de figures fortement stylisées. Cet usage se diffusa à travers la pratique de tournois d'équipes de plus d'une dizaine de chevaliers. Les écus étaient exposés par les chevaliers, la veille des tournois, sur la cotte d'armes qui recouvre la cuirasse, sur les housses des chevaux, et sur les demeures seigneuriales et bourgeoises.

4/ Sceau d'Isabelle de Bavière 1371-1435 reine de France, écu en losange de France ancien parti de Bavière dans un quadrilobe rempli des symboles des évangélistes.

4/ Sceau d'Isabelle de Bavière 1371-1435 reine de France, écu en losange de France ancien parti de Bavière dans un quadrilobe rempli des symboles des évangélistes.

A mesure que les peuples avancèrent en civilisation, l'écu subit l'influence de l'art, se modifia et se couvrit d'ornements. Destiné comme nous l'avons vu à préserver le combattant, il lui servit encore à faire connaître les belles actions dont son chef pouvait s'honorer. On y représenta ces hauts faits au moyen de la peinture et la sculpture. Dès l'origine les armoiries furent présentes sur les drapeaux et sur les sceaux. La plupart des écrits étaient scellés, tout écrit ne l'étant pas était suspect ! Chacun des contractants et des témoins s'engageait sous son sceau, symbole de leur personnalité juridique et c'est ainsi que fût étendu l'usage d'armoiries aux femmes.

5/ Armorial équestre de la toison d'or, 1433-1435. Duc de Normandie.

5/ Armorial équestre de la toison d'or, 1433-1435. Duc de Normandie.

Tout au long du XIIIè et XIVè siècles s'opère une véritable " héraldisation " de la vie matérielle, armes, demeures, meubles et objets décoratifs. Par la suite, de véritables professionnels de la guerre et des tournois, les hérauts d'armes, s'employèrent à transformer ces pratiques en règles et de copier des recueils leur servant d'aide-mémoire : les armoriaux.

6/ Charles 6 roi de France 1368-1422 : écu de France timbré d'un heaume drapé et sommé d'une couronne avec un grand lis central, dans un polylobe tréflé.

6/ Charles 6 roi de France 1368-1422 : écu de France timbré d'un heaume drapé et sommé d'une couronne avec un grand lis central, dans un polylobe tréflé.

Au XIVè le volet planté au sommet du heaume s'allonge et se déchire pour donner l'aspect de fin de tournoi, en motifs tailladés rappelant des feuilles d'acanthe. C'est ce que l'on nomme des lambrequins, (drapé).

7/ "in sacra inque coronas" Armoiries accordées en 1330 par Philippe IV de Valois à la corporation des Orfèvres.

7/ "in sacra inque coronas" Armoiries accordées en 1330 par Philippe IV de Valois à la corporation des Orfèvres.

A la fin du XVé siècle, en Europe, on recensait plus d'armoiries roturières, dont les corps de métiers constitués, que de noblesse. Il faut attendre le XVè siècle pour que l'art héraldique atteigne sa perfection.

8/ François Ier offrant son cœur à Éléonore : annonce du mariage de François Ier avec Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal et soeur de Charles-Quint.

8/ François Ier offrant son cœur à Éléonore : annonce du mariage de François Ier avec Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal et soeur de Charles-Quint.

Au XVè se précise la représentation la plus correcte du blasonnement. L'écu est placé en dextre et coiffé d'un heaume ou couronne avec cimier.

9/ code de couleur pour les arts graphiques

9/ code de couleur pour les arts graphiques

C'est au XVIIè que des graveurs anversois mirent au point un système simple de hachures pour coder les sept couleurs héraldiques. Le XVIIè a codifié l'héraldique, les couronnes nobiliaires remplacent le heaume en timbre, on oublie les cimiers et on multiplie les supports, marques de dignité, colliers d'ordre et manteau pour les grands personnages.

10/ Armorial Bellenville, publication Flandre 1380. Antoine de Beaulaincourt seigneur de Bellenville (1499-1659) roi d'armes de la Toison d'or. Page des armes de Saxe et de Flandre.

10/ Armorial Bellenville, publication Flandre 1380. Antoine de Beaulaincourt seigneur de Bellenville (1499-1659) roi d'armes de la Toison d'or. Page des armes de Saxe et de Flandre.

En 1615, Louis XIII fut amené à créer le nouvel office de juge d'armes de France. Ce personnage, comme les hérauts du moyen âge, devait corriger les armoiries contraires aux règles, juger les différents élevés en matière d'héraldique, et délivrer, à ceux qui le demandaient, des confirmations d'armoiries. Travail souvent considérable lorsque l'on songe que des roturiers, des marchands, des bourgeois, se servaient déjà au treizième siècle, de sceaux lorsqu'ils passaient des actes. Ces sceaux souvent armoriés étaient déjà réalisés par des graveurs. Donc, à travers tout l'ancien régime jusqu'à nos jours voit-on des personnes prendre des armes à volonté ! Or ce fût le célèbre Pierre de La Garde D'Hozier qui fût chargé de mettre de l'ordre et de contrôler cette incroyable multiplication de blasons. Son œuvre monumentale s'appellera L'armorial général de France. En 1686, Louis XIV, qui avait besoin d'alimenter le Trésor pour poursuivre ses guerres, obligea toutes les personnes nobles ou non, ainsi que les communautés laïques ou religieuses qui avaient des armoiries, à les faire enregistrer moyennant une taxe versée à l'état. Mieux encore, en 1697, il ordonna à quiconque était digne d'avoir un blason, d'en porter un et de payer, bien entendu, un droit au Trésor royal ! Ce fût à Paris, une fabrication d'armoiries en séries… Epoque des armoiries parlantes.

11/ John Smith (1652-1743) Graveur d'estampes, manière noire, eau forte et burin.

11/ John Smith (1652-1743) Graveur d'estampes, manière noire, eau forte et burin.

Le XVIIIè apporte un certain romantisme à l'héraldique, où l'écu de formes capricieuses, se couche sur des paysages des plus rêveur, plantes, étangs, rivières, soleil couchant avec tenants et usage usurpé du timbre d'une couronne nobiliaire.

12/ Héraldique de Napoléon, île d'Elbe.

12/ Héraldique de Napoléon, île d'Elbe.

La révolution mis fin, temporairement, à l'usage héraldique. C'est sur proposition du vicomte de Montmorency, que l'assemblée constituante décréta à la séance du 19 juin1790, la suppression des armoiries en même temps qu'elle décidait celle de la noblesse, des titres, des livrées, des bannières, des ordres de chevalerie, des décorations et de tous les signes de féodalité.
Napoléon rétablit l'héraldique en 1808, mais l'usage était réservé à la noblesse d'empire et avec de telles complications que les écus devinrent trop chargés et le blasonnement inapplicable.

13/ Sceau du prince électeur Frédéric Carolus. XVIIIè

13/ Sceau du prince électeur Frédéric Carolus. XVIIIè

Ainsi les armoiries du XIIè ne comportaient en général qu'une ou deux figures, tandis que dans celles du XVIIIè siècle il n'était pas rare de rencontrer quatre, cinq, six ou plus, figures différentes. Les armes d'une famille sont rarement immuables, elles ont souvent tendance à se compliquer avec le temps, surtout dans la haute aristocratie.

14/ Gaufrage sur parchemin. Sceau de l'état major général des gardes nationales de France.

14/ Gaufrage sur parchemin. Sceau de l'état major général des gardes nationales de France.

Dès 1814 Louis XVIII rétablit l'usage du droit héraldique, ainsi chacun, noble ou roturier, personne physique ou morale fut de nouveau libre d'adopter et d'utiliser les armoiries de son choix, et d'en faire l'usage privé qu'il lui plaisait. C'est encore le principe qui prévaut en France à nos jours et dans la plupart des pays d'Europe. Ce n'est que ces dernières années, que la renaissance et l'intérêt sur le sujet, prirent un nouvel essor pour se développer au XXè siècle.

Aujourd'hui tout le monde a toujours le droit d'avoir un blason et d'en avoir l'usage, au même titre que de posséder une carte de visite, mais tout le monde n'en possède pas!
Seule règle à respecter, il est interdit de porter les armes d'autrui.

1937: création de la Société Française d'héraldique et de sigillographie.
1949: création de l'Académie internationale d'héraldique, autorité scientifique reconnue.

Table des illustrations:
Photos: 1/2/3/4/5/6/8/10/11, Bibliothèque nationale de France
Photos: 7/9/12/13/14, F.Le Druillennec